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Et c’est de ce suprême bonheur, de cette immense consolation dont vous voudriez priver la femme ! seule, isolée parfois, la femme froissée dans ses plus chers sentiments, et que le travail apaise et console, où celle qui par faiblesse est tombée, et qui, uniquement par le travail, se relève et s’ennoblit. Ah ! messieurs, ne jetez pas ainsi sur elle une telle réprobation, car ce serait alors plus que jamais à désespérer de l’avenir de l’humanité !

Les femmes sont trop faibles, trop délicates, dites-vous, pour le travail ; nous les aimons trop, ajoutez-vous, pour les livrer ainsi à la fatigue courbante et absorbante. Eh ! nous connaissons tout cela, messieurs, et depuis fort longtemps ; ce sont là les belles paroles par lesquelles, d’âge en âge, on a doré notre asservissement moral, notre dépendance sociale, notre infériorité intellectuelle. Mais nous avons assez de ces phrases sonores et banales dont nous avons reconnu de près toute l’inanité ; nous voulons vivre et nous épanouir au soleil de la liberté, et non continuer de végéter et de soupirer sans voix, sans force et presque sans pensées !

Certains veulent faire de la femme une reine, une idole, que sais-je encore ! Reine chargée de chaînes qui ne sont pas toujours de fleurs, hélas ! idole qui ne doit point trop bouger, ni sortir de la niche où elle est mise sous verre. Et vous lui avez tellement persuadé, à cette faible créature, qu’elle est reine, qu’elle veut dominer, et que ne pouvant le faire ouvertement, puisqu’elle n’a pas la force, elle prend les chemins détournés pour arriver à son but. C’est vous qui l’avez faite fausse, astucieuse et dissimulée, ce dont maintenant vous vous plaignez si fort.