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portes d’un diamant brûlant, barricadées contre nous, prohibent toute sortie. Ces portes-ci passées (si quelqu’un les passe), le vide profond d’une nuit informe, large bâillant, le reçoit, et menace de la destruction entière de son être celui qui se prolongera dans le gouffre avorté. Si de là l’explorateur s’échappe dans un monde, quel qu’il soit, ou dans une région inconnue, que lui reste-t-il ? Des périls inconnus, une évasion difficile ! Mais je conviendrais mal à ce trône, ô pairs, à cette souveraineté impériale ornée de splendeur, armée de pouvoir, si la difficulté ou le danger d’une chose proposée et jugée d’utilité publique pouvait me détourner de l’entreprendre. Pourquoi assumerais-je sur moi les dignités royales ? Je ne refuserais pas de régner et je refuserais d’accepter une aussi grande part de péril que d’honneur ! part également due à celui qui règne, et qui lui est d’autant plus due qu’il siège plus honoré au-dessus du reste !

« Allez donc, Trônes puissants, terreur du ciel, quoique tombés, allez essayer dans notre demeure (tant qu’ici sera notre demeure) ce qui peut le mieux adoucir la présente misère et rendre l’enfer plus supportable, s’il est des soins, ou un charme pour suspendre, ou tromper, ou ralentir les tourments de ce malheureux séjour. Ne cessez de veiller contre un ennemi qui veille, tandis qu’au loin parcourant les rivages de la noire destruction, je chercherai la délivrance de tous. Cette entreprise, personne ne la partagera avec moi. »

Ainsi disant, le monarque se leva et prévint toute réplique : prudent il a peur que d’autres chefs, enhardis par sa résolution, ne vinssent offrir à présent, certains d’être refusés, ce qu’ils avaient redouté d’abord ; et ainsi refusés, ils seraient devenus ses rivaux dans l’opinion ; achetant à bon marché la haute renommée que lui, Satan, doit acquérir au prix de dangers immenses.

Mais les esprits rebelles ne craignaient pas plus l’aventure que la voix qui la défendait, et avec Satan ils se levèrent ; le bruit qu’ils firent en se levant tous à la fois fut comme le bruit du