Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de rejeter son crime sur celui qui le fit l’instrument du mal et le déprava dans les fins de sa création, justement maudit alors comme vicié dans sa nature. Il n’importait pas à l’homme d’en connaître davantage, puisqu’il ne savait rien de plus ; cela n’eût pas diminué sa faute. Cependant Dieu appliqua la sentence à Satan, le premier dans le péché, mais en termes mystérieux qu’il jugea alors les meilleurs, et il laissa tomber ainsi sa malédiction sur le serpent :

« Parce que tu as fait cela tu es maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes de la terre. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne ; elle te brisera la tête, et tu tâcheras de la mordre par le talon. »

Ainsi fut prononcé l’oracle, vérifié quand Jésus, fils de Marie, seconde Ève, vit comme un éclair tomber du ciel Satan prince de l’air. Alors Jésus, sortant du tombeau, dépouilla les principautés et les puissances infernales, et triompha ouvertement en pompe : et dans une ascension glorieuse il emmena à travers les airs la captivité captive, le royaume même longtemps usurpé par Satan. Celui-là brisera enfin Satan sous nos pieds, celui-là même qui prédit à présent cette fatale meurtrissure.

Il se tourna vers la femme pour lui prononcer sa sentence :

« Je t’affligerai de plusieurs maux pendant ta grossesse, tu enfanteras dans la douleur, tu seras sous la puissance de ton mari et il te dominera. »

À Adam, le dernier, il prononce ainsi son arrêt :

« Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais défendu de manger en te disant : « Tu n’en mangeras point ; » la terre sera maudite à cause de ce que tu as fait. Tu n’en tireras de quoi te nourrir pendant toute ta vie qu’avec beaucoup de travail : elle te produira des épines et des ronces, et tu te nourriras de l’herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu’à ce que tu retournes en la terre d’où tu as été tiré. Car tu es poudre et tu retourneras en poudre. »