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saient dans tous les yeux des traits de désir qui faisaient souhaiter encore sa présence.

Et Raphaël, bienveillant et facile, répond à présent au doute qu’Adam avait proposé :

« De demander ou de t’enquérir, je ne te blâme pas, car le ciel est comme le livre de Dieu ouvert devant toi, dans lequel tu peux lire ses merveilleux ouvrages et apprendre ses saisons, ses heures, ou ses mois, ou ses années ; pour atteindre à ceci, que le ciel ou la terre se meuvent, peu importe si tu comptes juste. Le grand Architecte a fait sagement de cacher le reste à l’homme ou à l’ange, de ne pas divulguer ses secrets pour être scrutés par ceux qui doivent plutôt les admirer ; ou s’ils veulent hasarder des conjectures, il a livré son édifice des cieux à leurs disputes, afin peut-être d’exciter son rire par leurs opinions vagues et subtiles, quand dans la suite ils viendront à mouler le ciel et à calculer les étoiles. Comme ils manieront la puissante structure ! comme ils bâtiront, débâtiront, s’ingénieront pour sauver les apparences ! comme ils ceindront la sphère de cercles concentriques et excentriques, de cycles et d’épicycles, d’orbes dans des orbes, mal écrits sur elle ! Déjà je devine ceci par ton raisonnement, toi qui dois guider ta postérité, et qui supposes que des corps plus grands et lumineux n’en doivent pas servir de plus petits privés de lumière, ni le ciel parcourir de pareils espaces, tandis que la terre, assise tranquille, reçoit seule le bénéfice de cette course.

« Considère d’abord que grandeur ou éclat ne suppose pas excellence : la terre, bien qu’en comparaison du ciel, si petite et sans lumière, peut contenir des qualités solides en plus d’abondance que le soleil qui brille stérile, et dont la vertu n’opère pas d’effet sur lui-même, mais sur la terre féconde : là ses rayons reçus d’abord (inactifs ailleurs) trouvent leur vigueur. Encore, ces éclatants luminaires ne sont pas serviables à la terre, mais à toi, habitant de la terre.

« Quant à l’immense circuit du ciel, qu’il raconte la haute magnificence du Créateur, lequel a bâti d’une manière si