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aigles, il semble à tous les volatiles un phénix, regardé par tous avec admiration comme cet oiseau unique, alors que pour enchâsser ses reliques dans le temple brillant du Soleil, il vole vers la Thèbes d’Égypte.

Tout à coup, sur le sommet oriental du paradis, l’ange s’abat et reprend sa première forme, séraphin ailé. Pour ombrager ses membres divins il porte six ailes ; la paire qui revêt chacune de ses larges épaules revient, ornement royal, comme un manteau sur sa poitrine ; la paire du milieu entoure sa taille ainsi qu’une zone étoilée, borde ses reins et ses cuisses d’un duvet d’or, et de couleurs trempées dans le ciel ; la dernière ombrage ses pieds, et s’attache à ses talons en plume maillée, couleur du firmament : semblable au fils de Maïa, il se tient debout et secoue ses plumes qui remplissent d’un parfum céleste la vaste enceinte d’alentour.

Incontinent toutes les troupes d’anges de garde le reconnurent et se levèrent en honneur de son rang et de son message suprême, car elles pressentirent qu’il était chargé de quelque haut message. Il passe leurs tentes brillantes et il entre dans le champ fortuné au travers des bocages de myrrhe, des odeurs florissantes de la cassie, du nard et du baume, désert de parfums. Ici la nature folâtrait dans son enfance et se jouait à volonté dans ses fantaisies virginales, versant abondamment sa douceur, beauté sauvage au-dessus de la règle et de l’art ; ô énormité de bonheur !

Raphaël s’avançait dans la forêt aromatique ; Adam l’aperçut ; il était assis à la porte de son frais berceau, tandis que le soleil à son midi dardait à plomb ses rayons brûlants pour échauffer la terre dans ses plus profondes entrailles (chaleur plus forte qu’Adam n’avait besoin) ; Ève dans l’intérieur du berceau, attentive à son heure, préparait pour le dîner des fruits savoureux, d’un goût à plaire au véritable appétit et à ne pas ôter, par intervalles, la soif d’un breuvage de nectar que fournissent le lait, la baie ou la grappe. Adam appelle Ève.

« Accours ici, Ève ; contemple chose digne de ta vue :