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par une fuite plus courte vers l’est, eût laissé là le soleil, peignant de reflets de pourpre et d’or les nuages qui sur son trône occidental lui font cortège.

Maintenant le soir s’avançait tranquille, et le crépuscule grisâtre avait revêtu tous les objets de sa grave livrée ; le silence l’accompagnait, les animaux et les oiseaux étaient retirés, ceux-là à leur couche herbeuse, ceux-ci dans leur nid. Le rossignol seul veillait ; toute la nuit il chanta sa complainte amoureuse, le silence était ravi.

Bientôt le firmament étincela de vivants saphirs. Hespérus, qui conduisait la milice étoilée, marcha le plus brillant, jusqu’à ce que la lune se levant dans une majesté nuageuse, reine manifeste, dévoila sa lumière de perle, et jeta son manteau d’argent sur l’ombre.

Adam s’adressant à Ève :

« Belle compagne, l’heure de la nuit, et toutes choses allées au repos, nous invitent à un repos semblable. Dieu a rendu le travail et le repos, comme le jour et la nuit, alternatifs pour l’homme : la rosée du sommeil tombant à propos avec sa douce et assoupissante pesanteur, abaisse nos paupières. Les autres créatures tout le long du jour errent oisives, non employées, et ont moins besoin de repos : l’homme a son ouvrage quotidien assigné de corps ou d’esprit ; ce qui déclare sa dignité et l’attention que le ciel donne à toutes ses voies. Les animaux au contraire rôdent à l’aventure désœuvrés, et Dieu ne tient pas compte de ce qu’ils font. Demain avant que le frais matin annonce dans l’orient la première approche de la lumière, il faudra nous lever et retourner à nos agréables travaux. Nous avons à émonder là-bas ces berceaux fleuris, ces allées vertes, notre promenade à midi, qu’embarrasse l’excès des rameaux : ils se rient de notre insuffisante culture et demanderaient plus de mains que les nôtres pour élaguer leur folle croissance. Ces fleurs aussi, et ces gommes qui tombent, restent à terre, raboteuses et désagréables à la vue ; elles veulent être enlevées, si nous désirons marcher à l’aise :