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soleil, rapide comme une étoile qui tombe en automne à travers la nuit, lorsque des vapeurs enflammées sillonnent l’air ; elle apprend au marinier de quel point de la boussole il se doit garder des vents impétueux. Uriel adresse à Gabriel ces paroles hâtées :

« Gabriel, ton rang t’a fait obtenir pour ta part l’emploi de veiller avec exactitude à ce qu’aucune chose nuisible ne puisse approcher ou entrer dans cet heureux séjour. Aujourd’hui, vers le haut du midi, est venu à ma sphère un esprit désireux, en apparence, de connaître un plus grand nombre des ouvrages du Tout-Puissant, et surtout l’homme, la dernière image de Dieu. Je lui ai tracé sa route toute rapide, et j’ai remarqué sa démarche aérienne. Mais sur la montagne qui s’élève au nord d’Éden, et où il s’est d’abord arrêté, j’ai bientôt découvert ses regards étrangers au ciel, obscurcis par de mauvaises passions. Je l’ai encore suivi des yeux, mais je l’ai perdu de vue sous l’ombrage. Quelqu’un de la troupe bannie, je le crains, s’est aventuré hors de l’abîme pour élever de nouveaux troubles : ton soin est de le trouver. »

Le guerrier ailé lui répondit :

« Uriel, il n’est pas étonnant qu’assis dans le cercle brillant du soleil, ta vue parfaite s’étende au loin et au large. À cette porte personne ne passe, la vigilance ici placée, personne qui ne soit bien connu comme venant du ciel : depuis l’heure du midi, aucune créature du ciel ne s’est présentée : si un esprit d’une autre espèce a franchi pour quelque projet ces limites de terre, il est difficile, tu le sais, d’arrêter une substance spirituelle par une barrière matérielle ; mais si dans l’enceinte de ces promenades s’est glissé un de ceux que tu dis, sous quelque forme qu’il se soit caché, je le saurai demain au lever du jour. »

Ainsi le promit Gabriel, et Uriel retourna à son poste sur ce même rayon lumineux dont la pointe, maintenant élevée, le porte obliquement en bas au soleil tombé au-dessous des Açores ; soit que le premier orbe, incroyablement rapide, eût roulé jusque-là dans sa révolution diurne, soit que la terre moins vite,