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dans le vallon, dans la plaine, là où le soleil du matin échauffe d’abord la campagne ouverte, et là où le feuillage impénétrable rembrunit à midi les bosquets.

Tel était ce lieu ; asile heureux et champêtre d’un aspect varié, bosquets dont les arbres riches pleurent des larmes de baumes et de gommes parfumées ; bocage dont le fruit, d’une écorce d’or poli, se suspend aimable et d’un goût délicieux ; fables vraies de l’Hespérie si elles sont vraies, c’est seulement ici. Entre ces bosquets sont interposés des clairières, des pelouses rases, des troupeaux paissant l’herbe tendre ; ou bien des monticules plantés de palmiers s’élèvent ; le giron fleuri de quelque vallon arrosé déploie ses trésors ; fleurs de toutes couleurs, et la rose sans épines.

D’un autre côté sont des antres et des grottes ombragées qui servent de fraîches retraites ; la vigne, les enveloppant de son manteau, étale ses grappes de pourpre et rampe élégamment opulente. En même temps des eaux sonores tombent de la déclivité des collines ; elles se dispersent, ou dans un lac qui étend son miroir de cristal à un rivage dentelé et couronné de myrtes, elles unissent leur cours. Les oiseaux s’appliquent à leur chœur ; des brises, de printanières brises, soufflant les parfums des champs et des bocages, accordent à l’unisson les feuilles tremblantes, tandis que l’universel Pan, dansant avec les Grâces et les Heures, conduit un printemps éternel. Ni la charmante campagne d’Enna, où Proserpine cueillant des fleurs, elle-même fleur plus belle, fut cueillie par le sombre Pluton (Cérès, dans sa peine, la chercha par toute la terre) ; ni l’agréable bois de Daphné, près l’Oronte, ni la source inspirée de Castalie, ne peuvent se comparer au paradis d’Éden ; encore moins l’île Nisée qu’entoure le fleuve Triton, où le vieux Cham (appelé Ammon par les Gentils, et Jupiter Lydien) cacha Amalthée et son fils florissant, le jeune Bacchus, des yeux de Rhéa sa marâtre. Le mont Amar où les rois d’Abyssinie gardent leurs enfants, (quoique supposé par quelques-uns le véritable paradis) ; ce mont, sous la ligne Éthiopique, près de la source du Nil,