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Les deux bisons tués étaient à environ deux cents mètres l’un de l’autre. Pour éloigner les loups, on appuya contre l’un une poire à poudre et un fusil, puis on alluma un petit feu pris de l’autre, dont on retira la peau et dont on fit griller quelques tranches pour souper. Cependant la nuit était tout à fait tombée ; il soufflait un fort vent du nord vraiment glacial, et pénétrant comme au travers d’une gaze les simples chemises de flanelle de nos infortunés chasseurs. Avec quelle amertume ils regrettaient alors d’avoir laissé au camp leur vêtement de cuir et leur capote ! Quelle déplorable perspective d’avoir à passer une longue nuit d’hiver avec le thermomètre au-dessous de zéro et sans abri ni feu convenables !

Ils ramassèrent tout le bois qu’ils purent trouver, pauvre provision ! pour nourrir leur maigre feu. Ils grattèrent la neige, et coupèrent et disposèrent des branches de saule pour se faire un lit de repos. Ils se partagèrent la peau du bison. Cheadle, se faisant tout petit, essaya de se couvrir avec une moitié ; La Ronde et Miscouépémayou se blottirent ensemble sous l’autre. Cette peau encore fumante était adorablement chaude, et nos voyageurs tombèrent bientôt dans un profond sommeil. Hélas ! que leur bien-être fut court ! Nos dormeurs ne tardèrent pas à s’éveiller à moitié gelés. L’étroite couverture, d’abord si douce et si chaude, était, grâce à la gelée, devenue dure comme de la pierre et formait, au-dessus des corps, une espèce d’arche sous laquelle s’engouffrait, comme sous l’arche d’un pont, le piquant vent d’hiver.

Il ne fallut plus songer à dormir. Rejetant leur trompeuse couverture, transis, ils se mirent tous trois à battre la semelle de droite et de gauche, tout en entretenant leur misérable feu avec économie, ou en faisant griller quelques biftecks pour tuer le temps. Qu’il était Jong ! C’était en vain Qu’ils examinaient l’horloge du voyageur, le grand Orion s’avançant vers l’ouest ; mais avec quelle lenteur ! Enfin, il acheva sa course cependant ;