Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendu quelques trappes. Le 10, la gelée fut très-rode ; il était tombé six pouces de neige dans la nuit. On se mit à la construction d’une couple de traîneaux à cheval pour aller dans les plaines se procurer de la viande fraîche. Pendant ce travail de nos gens, nous nous occupions de fournir le garde-manger avec l’aide de Rover, et nous ne manquions guère chaque fois à rapporter une provision de tétras de prairie, de perdrix des bois et de lapins. Ces derniers étaient fort circonspects, et nous en voyions si peu que, tant qu’il n’y eut pas de neige, nous ne nous doutions pas de leur nombre ; mais, quand la neige fut devenue épaisse, nous la vîmes sillonnée dans toutes les directions par leurs traces, et nous n’eûmes plus alors qu’à tendre des piéges sur leur passage pour en prendre.

À moins qu’on ne s’acharne à la poursuite des bêtes fauves, on n’en voit guère d’autres, dans les territoires de la baie de Hudson, que les loups et les bisons. Les Indiens les chassent avec une telle constance, et, chaque fois qu’elles rencontrent l’homme, elles en sont si invariablement poursuivies, qu’elles se tiennent toujours sur leurs gardes et se dérobent à la vue dès la moindre alarme. Ce n’est donc que quand la neige a trahi leur traces nombreuses qu’un novice peut se résoudre à croire qu’il y a réellement dans ce pays du gibier à quatre pattes.

Les loups et les renards laissaient de nombreuses empreintes sur la glace du lac, et les premiers annonçaient invariablement le lever et le coucher du soleil par un chœur de hurlements. Comme nous craignions qu’ils n’attaquassent nos chevaux, nous jetâmes des amorces empoisonnées avec de la strychnine à différents endroits autour du lac ; mais ces animaux ont une telle prudence qu’ils se gardent de toucher à une amorce trop visible ou à une de celles qui ont été visitées peu auparavant. Il faut donc prendre soin de couvrir de neige le morceau qu’on leur destine, d’aplanir la surface de cette neige et de ne plus s’approcher de l’endroit que si l’on s’est aperçu de loin que la faim a