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La volaille sauvage avait émigré vers le sud ; il ne restait plus que quelques traînards des dernières couvées. Beaucoup d’entre eux étaient victimes de leur retard, car on les trouvait souvent pris dans la glace. Les Indiens assurent que leur mésaventure est causée par leur excessif engraissement qui, les empêchant de prendre leur vol, les retient en arrière pour périr d’une misérable mort.

Nous mîmes quatre jours pour atteindre la rivière aux Coquilles (Shell river), un des petits affluents de la Saskatchaouane[1]. Là il nous fallut sauter dans le lit du courant pour faire descendre puis remonter sans accident nos charrettes pesamment chargées. L’eau était froide comme la glace et nous aurions volontiers évité ce bain forcé ; mais le soleil de midi ne manquait pas de chaleur et une marche rapide eut bientôt rétabli la circulation dans nos membres engourdis.

Le lendemain nous conduisit dans un endroit ravissant, une petite prairie d’environ deux cents acres, entourée de basses collines boisées, et baignée d’un côté par un lac qui envoyait beaucoup de petits bras parmi les collines et dans la plaine, et où de nombreux diminutifs de promontoires s’enfonçaient, portant jusqu’au milieu des eaux leur riche parure de pins et de trembles. Les voyageurs peu civilisés, qui seuls, à l’exception des Indiens, l’avaient jusqu’alors visitée, frappés de ses charmes,lui avaient déjà donné le nom de la Belle-Prairie.

En la traversant, nous nous montrions l’un à l’autre quel emplacement magnifique ferait pour une demeure un des promontoires, et nous nous disions quel bonheur ce serait, pour un des pauvres fermiers qui cultivaient un sol ingrat en Angleterre, que de posséder le riche morceau de terre que nous avions sous les yeux. Ce jour-là, nous arrivions à la rivière Crochet.

  1. Affluent de gauche de la Saskatchaouane septentrionale, en aval de Carlton. (Trad.)