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fort Carlton. Nous continuâmes pourtant à monter la faction la nuit ; car il y avait apparence que, si l’entreprise sur nos chevaux était faite, elle aurait lieu, suivant l’habitude des Indiens, après un répit de quelques jours. Chacun faisait la garde à son tour et, il faut bien l’avouer, nous nous sentions assez mal à l’aise quand nous nous trouvions seuls, couchés sous l’ombre de quelques buissons, tandis que tout le reste de notre monde était endormi. Heureusement le clair de lune était brillant ; mais ceux de nos chevaux qui étaient libres se mettaient souvent hors de vue et quand, de temps à autre, nous faisions notre ronde pour les ramener au camp, ce n’était pas sans crainte à chaque instant de sentir, quand nous traversions quelque épais taillis, se poser sur notre épaule la main d’un Indien posté en embuscade.

Un soir, deux Indiens d’environ dix-sept ans se présentèrent à notre camp et exprimèrent leur dessein de nous honorer de leur compagnie jusqu’au lendemain. Nous les soupçonnions fort d’être des espions. Cependant nous les invitâmes à dormir dans la loge ; mais nous redoublâmes de vigilance dans nos factions. Cette nuit pourtant se passa encore sans alarme. Nous en conclûmes que nous avions réussi à cacher nos traces à ceux qui nous poursuivaient. Nous continuâmes quelques jours encore notre chasse avec des succès variés, puis nous retournâmes rapidement vers le fort, où nous rentrions le 8 octobre. En route, nous rencontrâmes le convoi des charrettes de la Compagnie, qui revenait chargé de viande. Le chef M. Sinclair nous apprit que, au début de la chasse d’automne, les chasseurs avaient trouvé les bisons en nombre extraordinaire. Ce n’étaient partout que de vastes troupeaux, si bien qu’en réalité la terre tremblait sous leur passage, et que, la nuit, leurs continuels mugissements et le tumulte de leur marche rendaient tout sommeil impossible. Lors de l’arrivée de M. Sinclair, les grands troupeaux néanmoins s’éparpillaient déjà et les femelles, qui