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groupes cessant de paître dressèrent la tête et se mirent à trotter pour rejoindre le corps principal, qui marchait encore sans se presser. Alors nous prîmes le galop de chasse tandis que le troupeau, qui venait de se réunir, commençait à s’enfuir lourdement. Nous les gagnions rapidement. Quand nous fûmes à deux cents mètres, ils partirent de toute leur vitesse. La Ronde nous donna le signal par ses vigoureux « hourra ! hourra ! allez ! allez !» Nous allâmes donc, tous pêle-mêle, brandissant nos armes, et, de nos talons, martelant les côtes de nos montures à la façon des métis. C’était une charge folle et sauvage ; Milton en tête sur son vieux cheval rouge, Cheadle en queue sur sa petite jument rouan. Quand nous eûmes rejoint le troupeau, il se rompit par bandes de trois ou quatre bêtes, chacun de nous s’élançant sur celles qui étaient le plus à sa portée. Les coups de feu, par leur succession rapide, indiquèrent que la boucherie était commencée ; mais, comme la poursuite nous eut bientôt séparés, personne ne connut les succès de ses compagnons avant qu’elle fût achevée.

La chasse au bison est certainement entraînante. Cette charge affolée, qu’on fait tous ensemble sur le gros du troupeau ; cette poursuite de l’animal, qu’on a choisi parmi les autres et qu’un cheval bien dressé finit par couper comme un lévrier attrape un lièvre ; le sentiment du danger qu’on courrait, si l’on était à son tour chargé par un animal blessé ou si l’on tombait dans un de ces trous trop nombreux dans les prairies : tout contribue à passionner cet exercice. Les bisons, avec leur galop épais et lourd, présentent une apparence assez plaisante. Leur croupe mince, à peine revêtue d’un poil court, a l’air absurdement disproportionné avec le lourd train d’avant que déforment la bosse et la crinière hérissée. Lorsqu’ils galopent, leur longue crinière et leur fanon épais volent de côté et d’autre, leurs petits yeux roulent férocement en lançant des éclairs, à travers leur forêt de poils, sur l’ennemi qui les poursuit.