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Il faut avouer qu’au premier abord ce pemmican nous parut des plus désagréables, le goût en ressemblait fort à celui d’un mélange de chapelure et de suif ; mais nous nous y sommes habitués peu à peu, au point de finir par en être très friands. On en fait aussi une espèce plus fine, en n’employant pas le suif, mais seulement la meilleure graisse et la moelle ; on y ajoute alors les baies de quelques arbustes et même du sucre. Ce pemmican à baies est fort estimé ; on se le procure difficilement et c’est réellement un mets excellent[1].

Le pemmican est une invention d’une très-grande valeur dans un pays où l’on n’a pas toujours à manger, et où les moyens de transport sont fort limités, car, dans un volume et un poids médiocres, il contient une grande quantité de nourriture. On ne peut pas s’imaginer combien il est suffisant. L’homme le plus affamé ne réussit à en dévorer qu’un faible morceau. Bien souvent, il nous est arrivé de nous asseoir à moitié morts de faim, et nous désespérant du petit plat de pémmican qui nous était servi ; mais nous nous relevions sans avoir pu en venir à bout. Les voyageurs de la Compagnie de la baie de Hudson, qui, probablement, sont sans rivaux pour leurs facultés de supporter la fatigue, n’ont guère d’autre nourriture que le pemmican. Nous lui reconnaissons pourtant un inconvénient : il est difficile à digérer, et ceux qui, sans y être habitués, ne mangent pas autre chose à leurs repas, sont sûrs de se donner un bon mal d’estomac. Il y a peu de métis qui échappent à une dyspepsie invétérée.

Lorsque nous eûmes traversé l’Assiniboine au-dessus du fort Ellice, nous laissâmes la rivière à notre droite, et, pour plusieurs

  1. Le pemmican dont on s’est servi dans les expéditions vers le pôle arctique avait été fabriqué en Angleterre avec du bœuf de première qualité, des raisins de Corinthe, des raisins ordinaires et du sucre. Il différait donc beaucoup du pemmican grossier qui sert de nourriture principal dans les territoires de la baie de Hudson. (Ed.)