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Quand nous eûmes dépassé Portage la Prairie, qui est à une cinquantaine de milles au delà de Fort-Garry, et qui marque la limite occidentale de la colonisation, nous entrâmes dans une belle contrée, légèrement ondulée, remplie de lacs et de marais que peuplent les volailles sauvages, et ornée de jolis bouquets de trembles. Tout le long de notre route, nous rencontrions des crânes de bison blanchis par suite de leur longue exposition aux effets du climat. Il y a quelques années à peine que le bison abondait encore le long de la route qui mène de la Rivière Rouge à Carlton. Des gentianées à fleurs bleu foncé émaillaient les prairies que nous traversions, et où elles poussaient avec profusion.

Chaque jour ressemblait à celui qui l’avait précédé et cependant n’avait pas cette monotonie d’où naît l’ennui. Parfois nous marchions cahin-caha, au pas de nos voitures, où nous nous étendions pour nous chauffer comme des lézards au soleil. Puis, fatigués du repos, nous nous élancions au galop, en compagnie de Rover, pour chasser les oies et les canards, près des marais et des lacs, et les tétras de prairie, dans les taillis. Le gibier à plume pullulait. Nous en nourrissions aisément tout notre monde et nous ne touchions presque jamais à notre provision de pemmican. Un peu avant la fin du jour, nous campions dans le voisinage de l’eau et des arbres ; on attachait les chevaux, puis nous nom mettions à souper avec des appétits comme nous n’en avions jamais eu. Le soir, tandis qu’on fumait sa pipe autour du feu, La Ronde nous racontait quelque histoire de ses aventures de chasse, de ses rencontres avec les Sioux ou de son voyage avec le docteur Rae. Après quoi, nous nous enveloppions dans nos couvertures et nous tombions dans un profond sommeil jusqu’au lendemain matin.

Cependant une fois, vers minuit, comme tout le monde ronflait, les hommes sous les voitures et nous sous la tente. Treemiss se leva tout à coup en poussant un hurlement, puis s’élança,