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à moins que ce ne soient quelques partis d’Indiens. Nous eûmes une furieuse tentation de nous arrêter à nous reposer durant l’ardeur du jour ; mais l’espoir de trouver quelque chose à manger avant la tombée de la nuit nous fit continuer notre route.

Enfin notre persévérance trouva sa récompense. Un peu avant le coucher du soleil nous rencontrâmes un troupeau d’oies et nous nous jetâmes avec ardeur à leur poursuite. Langueur et fatigue, tout était oublié. Nos rames manœuvraient avec fureur. La perspective d’un bon souper nous poussait en avant. Trois oies tombèrent ; plus loin, nous tuâmes sept canards et, avant d’avoir trouvé un endroit où nous pussions camper, nous avions abattu deux oies de plus. Cela nous faisait des provisions pour une couple de jours. Nous ne perdîmes pas de temps à allumer le feu, non plus qu’à plumer et à vider le gibier. La viande n’était pas à moitié cuite que nous la dévorions avec plus de plaisir vraiment que si nous nous fussions trouvés dans les salons de Delmonico ou de la Maison Dorée. En somme, nous consommâmes à ce mémorable repas deux oies et quatre canards. Il est vrai que, comme dirait un Yankee, c’étaient des oies et des canards « tout juste », c’est-à-dire sans rien avec. Quel profond et quel satisfaisant sommeil nous eûmes cette nuit-là ! Au point du jour, le bruit du bateau à vapeur nous réveillait ; nous courûmes au bord de l’eau et pour sûr nous vîmes s’avancer l’International. Le capitaine nous avait déjà aperçus. Il s’arrêta, et quelques minutes après, nous étions à son bord, étudiant, sans parler, les mérites d’un repas composé de pain, de porc salé et de mélasse. Cela nous semblait délicieux. Nous avions assez de notre canotage, car il y avait seize jours que nous étions partis de Georgetown. Le lendemain, nous passions à Pembina. C’est un établissement de métis, sur la frontière même qui sépare le territoire des États-Unis et celui de la Nouvelle-Bretagne. Le jour suivant, qui était le septième d’août, nous arrivions au fort Garry. À peine avions-nous jeté l’ancre en face du fort qu’un nombre de visi-