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entrâmes dans la boue jusqu’aux genoux ; mais, pour aller chercher une place plus lointaine, nous étions trop fatigués et nous avions trop envie de dormir. Nous transportâmes nos effets plus haut, où de la terre, glissée d’une abrupte falaise, avait formé un terrain sec, uni et large de quelques mètres carrés. La falaise tournée vers le sud décrivait un demi-cercle autour de nous. Il n’y avait pas un souffle dans l’air. Or, nous nous étions endormis sans avoir rien qui nous garantit contre l’effet des rayons enflammés du soleil de midi ; aussi nous réveillâmes-nous à moitié cuits. Nous avions la veille au soir tué quelques canards ; ils puaient déjà et étaient à moitié pourris. Plutôt que d’en manger, nous les jetâmes à l’eau. La position nous semblait insupportable. Rechargeant donc de mauvaise grâce nos canots, nous nous remîmes à descendre la rivière, pagayant avec langueur, jusqu’à ce que le soir fût venu. Nous appelâmes ce campement le Four. Jamais nous n’avions vu d’endroit aussi chaud, si ce n’est la ville d’Acapulco, au Mexique, qui est dans une exposition parfaitement identique.

Il y avait une semaine que nous étions partis de Georgetown. Nos provisions s’épuisaient, car le pemmican nous avait paru si mauvais que nous l’avions abandonné à Rover. Nous étions donc réduits à nous nourrir de canards sauvages, qui heureusement ne nous manquaient pas. Les jeunes oies aussi étaient de bonne ressource ; car, bien qu’elles eussent presque atteint leur taille et poussé leurs plumes, elles ne pouvaient pas encore voler. Quand nous les poursuivions, elles plongeaient à l’approche de nos canots et finissaient par chercher un refuge sur le rivage. C’était une méprise fatale pour elles : Milton débarquait alors immédiatement avec Rover ; on les découvrait bientôt couchées et satisfaites d’avoir caché leur tête dans le gazon ou dans les broussailles, et elles ne tardaient guère à tomber en notre pouvoir.

Un jour que nous nous livrions à cet amusement assez entraî-