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tant leur figure s’était gonflée par suite des morsures de moustiques.

Pendant plusieurs jours, Milton fut hors d’état de manier la rame. Treemiss et Cheadle se virent donc obligés de remorquer son esquif. Cette nécessité nous causa beaucoup de retards, et le plaisir que nous avait fait éprouver l’isolement, pendant les premiers jours du voyage, fit place peu à peu au désir de le voir cesser.

La Rivière Rouge coule presque continuellement dans la terre de la Prairie. Elle a donc pu, dans ces plaines unies, se creuser un canal profond, dont les berges sont couvertes d’arbres de haute futaie qui souvent baignent leur pied dans l’eau. L’aspect de la rivière, qui ne varie pas, et l’étroitesse du paysage, cerné des deux côtés par l’élévation des berges, finirent par rendre monotone notre voyage. Puis cette routine de couper la viande et de la faire rôtir, de charger et de décharger nos embarcations, de pagayer et de chasser, fort amusante le premier jour, finit par nous paraître assez ennuyeuse.

D’ailleurs nos misérables canots ne cessaient pas de prendre de l’eau. Cela nous forçait si souvent à débarquer pour les vider, et à perdre de nombreuses heures pour essayer d’arrêter les voies d’eau, que nous n’avancions que bien lentement dans le trajet des cinq cents milles que nous avions à parcourir. Nous nous décidâmes donc à inspecter à fond nos esquifs, et, espérant les avoir rendus à peu près imperméables, nous nous résolûmes à faire un effort et à voyager toute la nuit. Le temps était magnifique, et, malgré l’absence de la lune, la lumière qui tombait des étoiles était suffisante pour que nous pussions guider notre route.

La nuit nous sembla des plus longues et la fatigue nous endormait presque sur nos rames avant que la lumière du jour vînt nous fournir un prétexte de débarquer, ce que nous fîmes au premier endroit favorable qui se présenta. Sur le bord, nous