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lûmes de courir en avant sur nos chevaux, le laissant nous suivre plus lentement. Par bonheur, le bon pâturage que nous avions rencontré ces derniers jours avait rendu aux chevaux assez de vigueur pour que deux d’entre eux pussent porter des cavaliers. Nous partîmes donc, obtenant, de nos squelettes de coursiers assez difficilement, un temps de galop. M. O’B., dans son désir de se mettre sous la protection de la loi, avait pris les devants. Lorsqu’il nous vit passer, il courut après nous en criant : « Milord ! ne m’abandonnez pas ! Docteur ! attendez-moi ! Laissez-moi aller avec vous ! » Mais, sans pitié pour lui, nous galopions. Chaque fois que nous regardions en arrière, nous voyions M. O’B. courir encore de toutes ses forces, par crainte que le sanguinaire Assiniboine ne le rattrapât. Nous entrâmes dans une plaine sablonneuse que semblait terminer une chaîne de hauteurs courant de l’est à l’ouest. C’est là que devait être Kamloups. Nous allions talonnant les flancs de nos bêtes, criant pour les exciter. Cependant, chaque fois que nous nous retournions, nous apercevions encore M. O’B. dans la pénombre du crépuscule, cherchant à nous suivre avec une vigueur qui ne se lassait point. Enfin, malgré la nuit tout à fait tombée, nous entrevoyons une maison. Nous y galopons ; nous sautons hors de selle et, livrant nos chevaux à eux-mêmes, nous entrons dans une espèce de cour où plusieurs Indiens et métis venaient de terminer un souper dont les restes chargeaient encore une nappe étendue à terre et autour de laquelle ils étaient assis tout à l’heure. Un vieil Indien s’avance et, dans un jargon mélangé de français, d’anglais et de chinouk[1], se présente à nous sous le nom du capitaine Saint-Paul et nous demande qui nous sommes. Nous lui répondons que nous venons de passer par les montagnes, que nous mourons de faim et que nous le prions de nous donner à manger aussi vite que possible. « Vous

  1. Jargon inventé par la Compagnie de la baie de Hudson. Voir page 330. (Trad.)