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os, grelottants, souffreteux, n’ayant rien mangé depuis la veille au soir, nous nous sentîmes près de renoncer à toute espérance, car les peines que nous prenions ne paraissaient aboutir à rien. Nous ne leur apercevions aucun terme.

Notre voyage durait depuis près de trois mois. Il y avait cinq semaines que nous n’avions pas vu un être humain ; et trois, que cette sauvage forêt, qui nous servait pour ainsi dire de tombeau, ne nous avait pas laissé constater qu’elle eût jamais été visitée par l’homme.

Après plusieurs tentatives inutiles pour passer la rivière, L’Assiniboine, sa femme et son fils s’assirent, refusant d’aller plus loin. Il était inutile de discuter avec eux. Nous leur dîmes seulement que nous ne voulions point nous abandonner ainsi au désespoir, sans faire un nouvel effort, et, prenant les haches, nous allâmes recommencer la recherche d’un gué. Enfin nous découvrîmes un bas-fond ; nous nous y frayâmes un passage, et nous conduisîmes les chevaux ; mais la vase était si molle et si profonde, et les rives si encombrées de troncs glissants que nos bêtes n’y pouvaient pas prendre pied et retombaient en roulant dans l’eau. À ce moment, L’Assiniboine, honteux de son inaction, revint nous aider. Les chevaux furent déchargés et nous pûmes les hisser au bord. Mais notre long séjour dans l’eau glaciale, qui nous avait enveloppés jusqu’à la poitrine, nous avait tout engourdis ; la pluie continuait à tomber et, quand nous eûmes fait passer les chevaux, nous campâmes sur un monticule au milieu de cet horrible marais. Il n’y avait alors aucune chance de nous procurer quelque provision. Nous condamnâmes donc un autre cheval et le tuâmes sur l’heure. Comme l’autre fois, nous passâmes deux jours à sécher la viande et à raccommoder nos loques. M. O’B., qui cependant, il faut le reconnaître, s’était considérablement amélioré sous l’influence de ces dures épreuves, était plongé dans le plus profond désespoir. Il nous avoua qu’il prenait Paley en grippe, le regardant comme un disputeur ; sa