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pêcher tordue avec l’écorce du cèdre, inachevée encore, et deux curieux hameçons, faits d’un petit morceau de bois et d’un fil de métal rendu pointu, étaient serrés dans un des paniers ; l’autre contenait quelques oignons sauvages encore verts et poussant des rejetons. À côte du squelette, un amas d’os brisés, qui étaient les fragments d’une tête de cheval, racontaient clairement ce qui s’était passé. Ils étaient cassés en tout petits morceaux. Le malheureux homme, mourant de faim, avait donc prolongé sa vie, autant qu’il l’avait pu, en suçant toutes les parcelles de nourriture qui se trouvaient dans les fragments brisés. Selon les apparences, c’était un Chouchouap des Montagnes Rocheuses, qui, comme nous, avait essayé d’aller à Kamloups, peut-être pour y chercher une femme. Il avait évidemment voulu essayer de prolonger sa vie en pêchant ; mais, avant d’avoir terminé son appareil, la faiblesse ou la maladie l’avait dompté ; il s’était allumé un petit feu, s’était accroupi auprès, et était mort là. Mais qu’était devenue sa tête ? Nous la cherchâmes avec soin en tous sens, inutilement. Si elle était tombée d’elle-même, nous aurions dû la trouver à ses côtés ; et, si un animal avait osé l’enlever, il serait revenu attaquer le corps. Mais elle n’avait pas pu être enlevée de force, comme en témoignait la position du tronc, qui n’avait pas été touché. C’était pour nous un problème insoluble, et nous laissâmes le cadavre comme nous l’avions trouvé, emportant seulement sa hachette dont nous avions besoin, ainsi que son briquet d’acier, sa ligne et ses hameçons, en souvenir de cet étrange événement. Nous rentrâmes au camp, silencieux et pleins de sombres pensées. Notre courage, déjà suffisamment abaissé par la faiblesse de nos corps et par les inquiétudes que nous donnait notre situation, était encore déprimé par cette découverte peu rassurante. Il y avait une similitude frappante entre nous et cet Indien, qui, après avoir tenté de traverser la forêt sans chemin, s’était senti affamé et avait tué son cheval pour s’en nourrir. Le spectacle que nous