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nous suivions un chemin tracé, il l’était dix fois plus maintenant que nous n’en avions plus. Tant qu’un cheval pouvait voir un autre cheval devant lui, il le suivait assez fidèlement ; mais, lorsqu’il y avait un retard qui fît disparaître au milieu des arbres et des taillis les chevaux de la tête, les autres tournaient dans des directions opposées. Alors c’étaient des courses et des cris ; nos efforts pour les rattraper n’aboutissaient souvent qu’à les pousser à se plonger dans un marais ou à s’embarrasser parmi les tas de bois. Une fois pris de cette façon, les misérables animaux se tenaient stupidement passifs ; car ils avaient tellement perdu leur feu et leur activité, leurs jambes étaient si endolories par leurs chutes dans les troncs et les pierres, qu’ils ne voulaient plus essayer de se tirer d’affaires eux-mêmes, excepté sous le stimulant de coups réitérés. Ces accidents se renouvelaient une douzaine de fois par jour, et rendaient notre tâche extrêmement laborieuse. En effet, nous étions si peu nombreux que chacun de nous ne pouvait guère attendre des autres quelque assistance. Il fallait se tirer d’embarras de son mieux, sans être aidé. Quand on y avait réussi, en ayant été souvent obligé de décharger la bête, on se trouvait séparé du reste de la bande qui était allée on ne savait où, et les autres chevaux dont on était chargé, avaient disparu. Il les fallait rattraper, puis retrouver péniblement la trace presque effacée qu’avaient laissée ceux qui avaient continué de marcher. Si une semblable aventure, ce qui avait lieu souvent, arrivait avant qu’on eût rejoint ses compagnons, on était obligé de recommencer le même exercice. C’était un labeur des plus ennuyeux et des plus fatigants, et qui mettait à une trop rude épreuve notre philosophie.

Afin d’économiser nos provisions et d’avancer plus rapidement, nous nous réglâmes à deux repas, le déjeuner et le souper ; nous ne nous accordâmes qu’un bref repos vers midi pour laisser nos chevaux manger, mais sans les décharger. Notre nourriture consistait en ce que les métis appellent roubébou. Nous la pré-