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pas de fardeaux, pas de roches, ni d’arbres pernicieux ; les coups n’y pouvaient guère les atteindre ; les gros mots les inquiétaient peu, et elles restaient là. Enfin, le jeune Assiniboine, à force de projectiles adroitement lancés du haut du barrage, réussit à faire perdre à leur repos une partie de ses agréments ; elles finirent par abandonner leur station et par se diriger à la nage comme nous le désirions.

Le reste de la journée eut bien d’autres mécomptes et d’autres difficultés. Les Canadiens avaient ouvert leur chemin quand la rivière était basse, et maintenant une eau profonde le recouvrait trop souvent. Il nous fallait alors nous couper une autre route à travers les arbres qui s’élevaient sur des coteaux fort roides. La forêt avait autant d’épaisseur que jamais, et les sapins y étaient des plus élevés. Les enfoncements que nous rencontrions entre ces hauteurs boisées, étaient occupés par des muskegs et souvent les collines n’avaient pour pied que l’escarpement qui bordait la rivière. Les chevaux s’enfonçaient dans la boue, on les en retirait ; ils entraient dans l’eau, on les en faisait sortir ; ils s’embarrassaient dans les arbres tombés à terre, on les dégageait ; ils s’enfonçaient dans l’épaisseur du bois, on était forcé de les y aller chercher. À la nuit, L’Assiniboine était harassé et nous n’en pouvions plus.

Ce fut le même genre de pays et d’obstacles jusqu’à l’après-midi du second jour depuis notre départ de l’île. Alors nous arrivâmes à deux bivouacs qui étaient tout semés de bâts, de selles et de harnais. De toutes parts, on voyait de grands cèdres coupés ; à côté, des monceaux de fragments et d’éclats, prouvant qu’on y avait fait des radeaux et des canots. Sur un arbre était inscrit que ce camp des émigrants s’appelait le Camp de la Tuerie. Nous fouillâmes toutes les directions, mais sans y pouvoir trouver aucune trace de chemin.

Nous ne pouvions pas nous y tromper ; la vérité se révélait d’une façon trop grave : la bande des émigrants avait ici déses-