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lontaires étaient surtout des Yankees venus d’Irlande et d’Allemagne, C’est assez dire que, malgré l’évidence de leur nationalité primitive, ils étaient plus Yankees que Herod lui-même. Ils étaient aussi malpropres et aussi peu militaires que possible dans leur accoutrement, mais ils avaient alors la bouche pleine de crâneries et de fanfaronnades, ces braves ; quelques semaines plus tard, quand les Sioux marchèrent à l’attaque du fort Abercrombie, ils se réfugièrent sous leurs lits, ils se cachèrent dans des trous et dans des coins, d’où les officiers eurent beaucoup de peine à les arracher, ne pouvant les conduire contre l’ennemi qu’en les menaçant de leurs revolvers.

Le jour de notre arrivée, deux métis rentraient d’une expédition de chasse qui leur avait très-bien réussi. Ayant rencontré une bande de vingt cerfs du Canada, ils en avaient abattu quatre et s’étaient, disaient-ils, abstenus de tirer davantage, afin d’économiser des bêtes vivantes et des provisions. Franchement, c’est là une modération tout à fait inexplicable de la part d’un métis ou d’un Indien. Nous allâmes par la rivière visiter leur camp. Ils y vivaient dans une loge indienne, c’est-à-dire dans une tente de peaux étendues sur des perches plantées et réunies en forme de cône, En avant de cette loge, était accroupie la plus hideuse vieille que nous eussions encore vue. Elle s’occupait à tailler la viande en morceaux pour la faire sécher. Maigre, osseuse, décharnée, elle avait une peau de parchemin, couturée, froncée en replis, en rides caverneuses ; ses yeux chassieux clignotaient, sa chevelure gris de fer, longue, nattée, non peignée, lui tombait sur les épaules, Elle bougonnait toujours et montrait ses gencives édentées, en déchiquetant, de ses doigts longs, osseux et sales, la viande qui était devant elle ; souvent elle laissait échapper quelque exclamation sauvage et colère, tout en frappant les chiens pareils à des squelettes, qui s’efforçaient d’attraper quelqu’un des morceaux délicats de la viande qu’elle semait autour d’elle.