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froi en voyant que plusieurs des arbres qui entouraient notre clairière s’étaient enflammés. Il est probable que les chevaux, en se poussant mutuellement pour se mettre au plus épais de la fumée, avaient d’un coup de pied envoyé quelque tison parmi les sapins. Ceux-ci, bien que verts, brûlent avec plus d’intensité que le bois le plus sec. C’était un moment critique. Cheadle saisit la hache et abattit arbre sur arbre pour isoler des autres ceux qui avaient pris feu. Milton s’épuisait en courses pour apporter des seaux d’eau, qu’il allait prendre dans une mare, heureusement à proximité, et pour en inonder la mousse épaisse et sèche qui communiquait rapidement le feu à la surface du sol. Déjà cependant nous nous trouvions presque environnés par les arbres incendiés ; les flammes étincelaient et filaient de branche en branche, d’arbre en arbre, de la façon la plus épouvantable. Elles pétillaient et criaient. Elles dévoraient avidement la résine des troncs. Elles éclataient et sifflaient. Les feuilles inflammables des branches largement développées les attiraient. La peur rendait nos chevaux indociles. Plusieurs, en dépit des flammes, s’élançaient dans l’épaisseur de la forêt qui les environnait, et l’un d’eux, fort brûlé aux jambes, se jetait par terre et se roulait de douleur au plus fort du brasier. Jetant la hache et le seau, nous nous mîmes à le tirer par la tête et par la queue, mais en vain ; alors nous le battîmes férocement à la tête, il fit un saut et s’élança dans le bois. Mais le retard causé par cet incident fut près de nous devenir fatal. Le feu en avait rapidement pris avantage ; l’air devenait brûlant, la fumée, étouffante ; les flammes rugissaient avec fureur : un instant, nous nous demandâmes s’il ne valait pas mieux laisser tout là et nous réfugier dans la rivière. Cependant le courage nous revint ; nous reprîmes la hache et le seau, et, à mesure que nous abattions des arbres et que nous éteignions des espaces de mousse, nous recommencions à espérer. Au milieu de ces frénétiques efforts, l’idée nous vint que notre ami, M. O’B., ne nous avait encore