Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire une place, deux dames et un monsieur eurent la bonté de se contenter d’une seule et même couche, assez grande il est vrai !

Ce fut à l’une des stations inférieures du Wisconsin que nous eûmes la première occasion de rencontrer un Indien à peau rouge dans son costume indigène. Il portait une chemise de cuir, des jambières et des moccasins ; une couverture était jetée sur ses épaules, et sa figure, aux traits hardis et beaux, était ornée de peinture. Adossé à un arbre, il fumait sa pipe avec majesté, sans daigner bouger ni montrer le plus mince intérêt au train qui filait devant lui. Peut-être réfléchissait-il, comme nous ne pâmes pas nous empêcher de le faire avec quelque tristesse, aux changements survenus depuis l’époque où ses ancêtres, maîtres de ce sol, n’entendaient parler des inventions de l’homme blanc que comme de choses étranges, racontées par ceux des Peaux-Rouges qui avaient le plus voyagé, ou par quelques-uns de ces métis trappeurs dont ils recevaient, de temps à autre, les visites. Quel devait être le dégoût de ces fils du silence et du mouvement furtif aux bruits de ces trains qui s’élancent à travers les forêts, de ces bateaux à vapeur qui glissent sur les lacs et les rivières, chassant loin de là ce gibier qui les fréquentait jadis avec bonheur ! Quelle amertume dans leurs cœurs ! Quelles malédictions ils doivent lancer contre cette marche constante, irrésistible, inévitable, de la grande armée des blancs, qui s’avance recrutée de tous les pays, se répandant sur la terre comme des nuées de sauterelles, trop forte pour qu’on la repousse, trop cruelle et trop peu scrupuleuse pour qu’on ait avec elle de bons rapports de paix et d’amitié !

À La Crosse, nous prîmes un bateau à vapeur qui remontait ce Mississipi que les Indiens appellent la « Grande Rivière, » mais qui n’est ici qu’un cours d’eau comptant à peu près cent mètres de large. Nous allions à Saint-Paul dans le Minnesota. L’eau était fort basse, et quoique notre embarcation fût un bateau