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bruits du bois étouffent le son des pas furtifs du chasseur, offre le plus de chance pour l’atteindre. D’ailleurs l’élan a adopté un stratagème plein de finesse pour se mettre à l’abri de toute surprise. Lorsqu’il veut se reposer, il marche en cercle et se couche à l’intérieur, mais tout près, du commencement de la courbe. Il en résulte que le chasseur qui suit sa piste passe près de l’endroit où l’élan est couché et que, tandis que l’homme continue à suivre le cercle, !’animal sans être vu s’échappe par un côté opposé. Cette année cependant, le dégel commença le 30 mars et fut aussi subit que complet, en sorte qu’il n’y eut aucune croûte formée sur la neige et que nos espérances de chasse furent tout à fait trompées.

Cheadle s’était alors enfoncé dans le bois avec Bruneau. Il reprit immédiatement le chemin du logis ; mais son retour ne put avoir lieu que de nuit, lorsqu’il gelait, car les raquettes ne peuvent servir à rien dans le dégel. Le second soir, la continuité de l’humidité fit briser les chaussures et les deux chasseurs furent obligés de revenir de leur mieux. Il n’y a rien de plus fatigant que de marcher dans de la neige profonde au commencement du dégel. En quelques endroits, une mince couche de glace supportera le poids d’un homme ; on s’y avance d’un pas délibéré pendant plusieurs mètres ; tout à coup la croûte éclate, et l’on est ébranlé par tout le corps en tombant dans un trou jusqu’à la ceinture. Luttant, se débattant au milieu de cette masse friable, on parvient à force d’efforts à une portion plus solide, pour retomber quelques pas plus loin. En marchant ainsi toute la nuit, ils atteignirent la rive du lac, à deux milles de la hutte. Mais ils étaient trop épuisés pour faire un pas de plus ; allumant donc un bon feu, ils se couchèrent auprès et dormirent plusieurs heures ; après quoi, ils retrouvèrent assez de forces pour retourner chez eux en traversant le lac.

Nous commençâmes alors nos préparatifs pour quitter nos quartiers d’hiver, aussitôt que la neige serait assez disparue