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le grognement des chiens nous tira du sommeil et que nous entendîmes quelqu’un se glisser doucement dans la hutte. Il y faisait une obscurité complète. Milton, sautant à bas du lit, battit le briquet et nous vîmes le Chasseur, avec son beau-père et toute sa famille. Ils avaient appris, par les deux jeunes Indiens qui nous avaient fait visite ce jour-là, le retour de La Ronde, et, sans retard, ils étaient venus lui souhaiter la bienvenue et prendre leur part des bonnes choses qu’il avait apportées. Nous montrâmes notre mécontentement d’être ainsi dérangés et, tout pleins de honte de leur conduite, ces braves gens se couchèrent paisiblement à terre pour dormir.

La Ronde fut sérieusement malade durant plusieurs jours. Après sa convalescence, nous reprîmes la vie de trappeur en la variant de temps en temps par la chasse aux rats musqués, dont la saison était arrivée. Quoiqu’ils aient une odeur assez forte, ils sont loin d’être à dédaigner. Ces animaux sont très-nombreux sur tous les lacs, pointillent de leurs demeures en roseaux, semblables à autant de veillottes, la surface de la glace en hiver. Ils les bâtissent dès que la glace est formée ; les garnissent de mousse tendre et de doux gazon, et y serrent les provisions de plantes aquatiques dont ils font leur nourriture. Un trou dans la glace assure leurs communications avec l’eau et, de distance en distance, ils pratiquent des soupiraux, recouverts de plus petits tas de roseaux coupés, ayant à peu près l’apparence d’une taupinière. Tant qu’il gèle fort, la demeure du rat musqué est inattaquable ; mais, dès que les rayons du soleil augmentent de pouvoir, les ennemis font brèche à travers les murailles qui s’amollissent par le dégel. Le renard, le wolverène et le foutereau font donc, à la fin de l’hiver, leur proie du rat musqué ; quant à l’Indien, armé d’une lance longue, mince, barbelée à la pointe, il s’approche avec précaution du logis de la famille et, plongeant son arme au beau milieu, il en retire souvent deux ou trois victimes d’un seul coup.