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au pot. Combien de fois l’en sortit-on ? Combien de fois examina-t-on avec la pointe d’une fourchette s’il n’était pas enfin (cela dura toute la journée !) cuit à point ? Nous faisions bien rôtir aussi deux poulets de prairie ; mais le pudding accaparait l’intérêt du public. Il faut n’avoir jamais été réduit à vivre longtemps d’une seule et même pitance pour ne pas se faire une idée de l’angoisse avec laquelle nous suivions des yeux la cuisson de notre plum-pudding. Ah ! qu’il fut délicieux ! Combien il dépassa toute espérance ! Sans doute il avait plus d’une imperfection ; par exemple, il contenait quelques capsules, des balles de plomb et des morceaux de tabac ; mais qu’importe ? Il était de taille à étre servi aux habitants de Brobdingnag. En vain nous avions caressé l’espérance de l’achever en une seule fois ; il en resta. La nuit fut assez pénible. On peut, je l’avoue, attribuer cette absence de repos a la nature un peu lourde de notre souper, mais la cause la plus réelle en était dans l’impatience de voir arriver le matin, où nous pourrions renouveler les délices de la soirée passée. Ce ne fut pas sans inquiétude qu’aux premiers rayons de l’aube chacun de nous épia les mouvements de son compagnon. Enfin, avant qu’il fît grand jour, nous sautâmes tous les deux à la fois de nos lits, chacun craignant d’avoir à perdre un morceau de son délicieux déjeuner. Et jamais écolier n’eut plus de regret à voir la fin de son gâteau que nous n’en eûmes en soupirant sur la dernière bouchée de ce pudding sans égal.

Il fallait bien rompre la monotonie du temps qui passait si lentement. Déjà nous étions au commencement de mars, et La Ronde ni Bruneau n’étaient de retour. Il est vrai que parfois notre solitude était égayée par les visites des Indiens ; mais tous ils étaient affamés ; et ils faisaient de fameuses brèches à nos maigres provisions. Rover contribuait pour sa part à alléger l’ennui de ces longues soirées d’hiver ; car nous les passions en partie à varier et à perfectionner son éducation. Les représenta-