Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après trois jours de ce labeur très-fatigant, la troupe se trouva parvenue, vers la tombée de la nuit, à une quinzaine de milles de la Belle-Prairie. Comme on ne voyait pas alors d’endroit propre à bivouaquer, nos amis poussèrent en avant jusqu’à ce que la nuit rat close. Pendant un temps, ils s’avancèrent à la lueur d’une nouvelle lune qui était déjà presque couchée. Le traîneau de Cheadle marchait en tête et, quand la lune eut disparu, il continua sa route même en n’y voyant plus clair. Heureusement Chouchou, le chien qui allait le premier, ne montrait pas d’hésitation ; il suivait la trace sans se tromper, bien qu’elle fût alors à peu près effacée et à peine perceptible à l’œil, même en plein jour. Les hommes n’avaient plus d’autre moyen de la reconnaître qu’en sentant la dureté de la voie sous la semelle de leurs raquettes en opposition avec la masse poudreuse de la neige qui s’étendait de part et d’autre. Mais, s’apercevant que la sagacité du chien était à la hauteur des circonstances, Cheadle résolut d’atteindre la hutte cette nuit même et persévéra tranquillement, ayant sur ses talons les deux autres traîneaux et les Indiens. Ceux-ci s’étonnaient fort que l’Okey Mow ne voulût pas s’arrêter. Enfin l’obscurité devint si grande que les conducteurs avaient perdu de vue leurs chiens et ne distinguaient plus que l’ombre vague de leurs traîneaux qui s’éloignaient. Cependant Chouchou, à mesure qu’il approchait de la hutte, hâtait sa course, sans faire aucune erreur, si ce n’est qu’il renversa le traîneau dans un profond amas de neige, sur les bords de la rivière Crochet, à un demi-mille de chez nous. Cet accident les retarda un peu, car il leur fallut retrouver le sentier perdu en sondant avec des perches la neige éparse, qui l’avait, à cet endroit, recouvert à une telle profondeur que Chouchou était bien excusable de ne pas l’avoir suivi. Enfin, les traîneaux furent remis sur le terrassement et, au bout de quelques minutes, un rayon de lumière, qui filtrait à travers la fenêtre de parchemin du fort Milton, vint réjouir les yeux des voyageurs épuisés de fatigue. Ce fut avec