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de faim. Cet hiver-là le bison ne remonta pas jusqu’aux forêts et il y eut une grande rareté d’élan et de poisson. Pour subvenir aux besoins les plus nécessaires, Kînémontiayou avait tué ses chevaux les uns après les autres ; mais enfin sa famille s’était trouvée sans ressources. Le Chasseur était donc parti laissant sa femme et à Miscouépémayou un pauvre reste de viande sèche de cheval ; après avoir chassé deux jours sans rien voir, épuisé de fatigue et de faim, il avait fini par revenir en se traînant péniblement jusque chez lui. Alors ils avaient tous pris leur parti de la mort ; le Chasseur était dans l’impossibilité de se remuer et sa femme ni son fils n’étaient capables de se procurer de la nourriture. Depuis huit jours, ils n’avaient pas mange ; ils avaient enduré toutes les rigueurs de l’hiver, lorsqu’ils eurent le bonheur d’être trouvés par des voyageurs attachés à la Compagnie, qui lièrent l’homme sur un traîneau et l’emportèrent à Carlton. Quant à la femme et à l’enfant qui avaient jeûné moins longtemps et supporté moins de fatigues, ils étaient en meilleur état. On leur laissa une provision de vivres et, deux ou trois jours après, ils se sentirent assez de force pour se rendre à pied à Carlton. Il ne fut pas aisé de rétablir Kînémontiayou. Il refusait la nourriture et la boisson, dont il avait perdu le désir. Son estomac affaibli rejetait d’abord tout aliment ; ses cheveux tombèrent et ses membres lui refusèrent leur service, plusieurs semaines. Enfin, il en réchappa ; mais ce ne fut que grâce aux attentions charitables de M. Pruden, qui avait alors l’administration de Carlton et qui savait se faire aimer de tous les Indiens par sa bonté et par son humanité.

À mesure que nos misérables damés arrivaient, nous les invitions à s’asseoir près du feu. Ils affectaient une gaieté que leurs traits démentaient. Ils fumaient, ils plaisantaient sans laisser voir qu’ils convoitassent la viande étalée sous leurs yeux et en se gardant de rien demander à manger. Nous nous hâtâmes de faire cuire de la viande et de leur offrir à chacun un bon repas.