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en partie dévorée par les loups, qui l’avaient abattue durant la nuit.

La figure de Milton qui avait été gelée deux jours auparavant se couvrit alors d’érésipèle et nous donna des inquiétudes. Nous étions sans aucun abri contre les rigueurs du froid, à quatre-vingts ou cent milles de chez nous. Il fut convenu que nous allions construire une cache pour y serrer une grande portion de notre viande et que nous reviendrions à la Belle-Prairie de toute la vitesse de nos chiens.

L’après-midi fut donc employée à dresser une pyramide de troncs et de bûches ; nous y enfermâmes la viande que nous étions forcés d’abandonner derrière nous, et nous amassâmes par-dessus une haute terrasse de neige. Une fois bien tassée et gelée, elle maintenait solidement les poutres en place. Le Chasseur déclara que cette cache pouvait sans doute être dévalisée par un wolverène, s’il la découvrait ; mais qu’elle était de nature à résister efficacement à toute une armée de loups.

Le lendemain on mit sur un des traîneaux une légère charge de viande ; sur l’autre, on empaqueta Milton dans des couvertures et dans des peaux de bison et on l’y attacha solidement. Kînémontiayou guidait la marche, son fils conduisait le premier traîneau et l’autre était confié à Cheadle qui ne quittait pas son malade. Ce retour fut aussi fatigant qu’ennuyeux. Notre ancienne trace était toute recouverte de neige et nos misérables chiens n’étaient pas à la hauteur de leur service. Chouchou, le premier, avait bonne volonté, mais il était jeune, maigre et faible ; Comyoun, qui était au milieu, était vieux et asthmatique ; enfin le timonier, Kouskitaostéquarn, boitait et dormait. Du matin au soir, l’air résonnait des hurlements des chiens et des cris que les conducteurs adressaient à Comyoun et à Kouskitaostéquarn. Les traîneaux versaient incessamment, parce qu’ils donnaient contre une souche ou glissaient sur le penchant d’un coteau ; et tandis que nous nous efforcions de les soulever et de les redres-