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Nous diminuâmes nos rations et celles de nos chiens et nous finîmes même par nous décider à faire servir à notre nourriture, en cas de nécessité absolue, un vieux chien qui n’avait plus de dents et qui nous était peu utile.

La journée se traînait lente et monotone, le froid était aussi sévère que jamais et nous n’avions d’autre divertissement que de couper et de mettre en tas une grosse quantité de bois pour le feu de notre nuit. Le jour cessa et nous restâmes à guetter en vain le retour du Chasseur, en nous demandant si ce retard était l’annonce d’un échec ou d’un succès. Les heures passaient dans les ténèbres et nous continuions à prêter l’oreille dans l’espoir d’entendre les pas de notre Indien. Miscouépémayou devenait fort inquiet, il restait silencieusement assis et absorbé par les efforts qu’il faisait pour entendre son père ; puis il se mit à tirer en guise de signaux des coups de fusil. Rien ne répondait. Enfin vers minuit, Kînémontiayou fit son apparition ; il pliait sous un radeau qui, lorsqu’il approcha, fit voir à nos yeux ravis le cœur, la langue et les autres bons morceaux d’un bison. Nous ne fûmes longs ni à les faire cuire ni à les dévorer. Cela fait, le Chasseur nous dit qu’il avait chassé sans se reposer toute la journée, mais sans trouver une seule piste de bison. Ce n’était qu’à son retour, juste à la tombée du jour, qu’ayant découvert un taureau solitaire, il avait pu l’abattre. Alors le froid l’avait tellement engourdi qu’avant de pouvoir rien couper de la bête, il avait dû faire un grand feu ; ensuite il avait été retenu encore par le soin de recouvrir de bois et de neige son gibier afin de le mettre à l’abri des loups.

Le lendemain matin, nous allâmes bivouaquer près du bison et la journée fut employée à ramasser une bonne provision de bois sec qui était rare en cet endroit et à découper notre bête.

Le jour suivant, nous en vîmes deux autres dont l’une fut mortellement blessée, mais la nuit survint avant que nous eussions pu l’atteindre ; nous la retrouvâmes le lendemain matin.