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Dans le commencement, le wolverène n’avait point troublé nos opérations et nous avions réussi à faire une jolie collection de fourrures ; mais, un jour, comme nous partions pour visiter nos trappes, nous reconnûmes les empreintes d’un très-grand animal de cette espèce qui avait suivi notre piste. « C’est fini, Monsieur ; s’écria La Ronde ; il a cassé toutes nos estrappes ; vous allez voir ; » et en effet, à mesure que nous en visitions une, nous la trouvions ouverte par derrière, l’appât était enlevé et la proie, s’il y en avait eu, avait disparu. Toute notre ligne de piéges avait été démolie et nous ramassâmes une dizaine de queues de martres, dont les corps avaient sans doute été dévorés par cet affamé carcajou.

Précédemment nous avions suspendu à différents points des broussailles de petites amorces empoisonnées que nous avions enveloppées dans des vieux moccasins ou dans d’autres effets. Le wolverène en avait détaché une, l’avait développée et coupée en deux. Découvrant qu’elle était empoisonnée, il s’était dans sa terreur enfui à toutes jambes pour éviter cette périlleuse tentation. Il était inutile désormais de songer à tendre de nouveaus piéges. Nous rentrâmes donc chez nous désolés, tandis que La Ronde chargeait de ses malédictions le sacré carcajou.

Un jour les corbeaux se mirent à pousser de formidables croassements ; c’était leur façon d’annoncer la présence d’un homme sur le lac. Nous nous rendîmes donc sur la rive et nous aperçûmes plusieurs traîneaux qui le traversaient ; le galop des chiens de trait remplissait l’air glacé du bruit joyeux des sonnettes attachées aux harnais. C’était Treemiss qui, avec un parti venu du fort Carlton, faisait une expédition commerciale chez les Cries des Bois.

Treemiss, depuis que nous ne l’avions vu, avait eu plusieurs aventures. Une nuit même, il avait pensé être en danger de perdre la vie. Etakh-étouhp, le chasseur, était venu dans sa hutte, en compagnie de plusieurs autres, tous à moitié ivres, l’impor-