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wolverène dans une trappe en bois ; parfois il s’empoisonne, parfois il est saisi par une trappe d’acier ; mais, dans ce cas, sa vigueur est telle, que des trappes assez fortes pour retenir un gros loup, lâcheront un wolverène. Ce n’est pas qu’alors, à l’instar d’un renard ou d’un foutereau, il procède à l’amputation du membre emprisonné ; non pas : il s’aide de sa bouche pour emporter la trappe, se dirige en toute hâte vers un lac ou une rivière où il n’ait plus l’obstacle des arbres et des troncs à terre pour retarder sa course. Puis, quand il a fui assez loin pour se croire à l’abri des poursuites, il met librement tous ses soins à débarrasser sa jambe et il y réussit assez souvent. Quelquefois on le tue à l’aide d’un fusil qu’on place auprès d’une amorce à laquelle est attachée une ficelle qui fait jouer la détente, et cependant La Ronde nous assura sur sa parole, qu’en plusieurs occasions, ce carcajou avait rendu son adresse inutile en approchant d’abord du fusil, et en rongeant la corde qui communiquait avec la détente ; après quoi il dévorait l’amorce en toute sécurité.

Un jour que La Ronde avait vu toutes ses inventions pour se défaire de son ennemi découvertes et déjouées, il s’avisa de placer le fusil dans un arbre avec le canon pointé verticalement en bas sur l’amorce, qui était suspendue à une branche, de façon à ne pouvoir être atteinte qu’en sautant. Le fusil était attaché bien haut dans l’arbre et tout à fait dérobé à la vue par le feuillage. Or le malheur du wolverène est d’être doué d’une excessive curiosité. Il examine tout ce qu’il trouve. Un vieux mocassin rejeté dans les broussailles, un couteau perdu dans la neige, il les dépiste et les étudie ; un objet suspendu hors de sa portée est pour lui une tentation presque irrésistible. Cependant cette fois-là, le carcajou, suivant La Ronde, avait maîtrisé sa curiosité et sa faim ; il avait grimpé à l’arbre, avait tranché la corde qui attachait le fusil ; celui-ci était tombé à terre et, tout danger ayant disparu, l’animal était redescendu et