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J’en sais un qu’obscurcit un cèdre du Liban ! Vestige
De quelque beau jardin de l’amour virginal. Et je sais, moi, que le saint arbre
Fut planté là, jadis, en son doux temps, afin
De porter témoignage ; et le serment tomba dans la muette éternité,

Et l’homme et la femme sans nom sont morts, et leur amour
Est mort, et qui donc se souvient ? Qui ? Toi peut-être,
Toi, triste, triste bruit de la pluie sur la pluie,
Ou vous, mon âme. Mais bientôt vous oublierez cela et le reste.



Et l’autre, où le grand vent, la pluie et le brouillard ont leur église.
Quand venait l’hiver des faubourgs ; quand le chaland
Voyageait dans la brume de France, qu’il m’était doux,
Saint-Julien-le-Pauvre, de faire le tour

De ton jardin ! Je vivais dans la dissipation
La plus amère ; mais le cœur de la terre m’attirait
Déjà ; et je savais qu’il bat non sous la roseraie
Choyée, mais là où croît ma sœur ortie, obscure, délaissée.



Ainsi donc, si tu veux me plaire — après ! loin d’ici ! toi
Murmurant, ruisselant de fleurs ressuscitées, toi jardin