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C’est là, dans ces chambres profondes aux fenêtres ensommeillées
Que l’ancêtre de notre race avait vécu
Et c’est là que mon père après ses longs voyages
Était venu mourir.

J’étais seul et, je me souviens,
C’était la saison où le vent de nos pays
Souffle une odeur de loup, d’herbe de marécage et de lin pourrissant
Et chante de vieux airs de voleuse d’enfants dans les ruines de la nuit.

II

Le dernier soir était venu et avec lui la fièvre
L’insomnie et la peur. Et je ne pouvais pas me rappeler ton nom.
La garde était sans doute allée au presbytère
Car la lanterne n’était plus sur l’escabeau.

Tous nos anciens serviteurs étaient morts ; leurs enfants
Avaient émigré ; j’étais un étranger
Dans la maison penchée
De mon enfance.

L’odeur de ce silence était celle du blé
Trouvé dans un tombeau ; et tu connais sans doute
Cette mousse des lieux muets, sœur des ensevelis
Couleur de lune mûre et basse sur Memphis.