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PRIÈRES

I

Être pur, si parfaitement identique à ta nécessité qu’il n’est folie de négation qui ne situe par rapport à toi, qui es le tout, son néant condamné à n’être qu’une forme renversée de l’affirmation ; que dis-je ! si effroyablement existant que la chose distincte de toi par ta volonté, la création, ne peut trouver un contenant que dans ton idée d’un extérieur, d’un rien, à cause que toi seul tu es infini et qu’il n’est pas d’extérieur qui te circonscrive ; si intimement confondu avec mon moi, si inséparable de ma liberté que c’est toi qui me soutiens jusque dans mon œuvre de destruction ; et à la limite extrême de mon effort, quand la matière et le vide, ensemble identiques et contraires, simultanément s’évanouissent de ma pensée, celle-ci aussitôt se transmue d’un inconcevable non-être, clos à ce vide et à ce plein, en cela qui est l’être même, le oui dont je suis séparé par le non qu’il renferme, le tout qu’un pur rien m’empêche de connaître, le lieu immobile de tout ce qui se meut et que nul mouvement ne peut atteindre, le Dieu en qui je suis comme ma notion d’un extérieur, d’une séparation, d’un rien est en moi… Réalité unique et révélée qui m’est d’autant plus chère que ce qui t’aime en moi n’est ni aucune des parties de mon être, sens, raison, sentiment, ni leur somme, mais l’être même, — derechef ce rien où le soleil du désir