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Comme glace d’été sur ma noire chaleur.

De sorte que dans cette vie, la mienne, comme dans le labour

Océanique, parmi les sillons de montagnes,

Tout, tout ne fut que tourment, amertume et stérilité.

Mais, toi qui sais, comment pouvais-je savoir moi

Qui étais comme le frémissement sacré

Du paon douloureux et beau de Midi

Que cela que j’attendais du dehors

Me viendrait de moi-même, et, feu conscient de sa route,

Pur, joyeux et puissant comme l’âme de l’or,

Soudain, s’arrêterait comme sur Josué,

Pour toucher d’un regard omniscient d’épouse

La vue intérieure, là, entre les sourcils…

(Silence.)

Ce fut là la jeunesse avec ses jours, et puis

Vint l’âge mûr avec ses nuits ;

Derrière le rideau de l’assoupissement

Ces terrasses, tu sais, hautes, hautes, qu’on balayait, ces pierres

Aussi qui, trois par trois, quatre par quatre

Tombaient tristement, d’où ? dans le puits du sommeil.

Et certaine nuit… Mais ce sont là choses

Dont le nom n’est ni son, ni silence.


CHŒUR
(Un chuchotement nombreux.)


Parle. Dis

Impitoyablement ce que ton âme a vu

Dans le cosmos aveugle, égaré et abandonné.

Parle, et imite l’éternité quand elle dit : non.