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LA CONFESSION DE LEMUEL

L’HOMME

Quand je mesure ce chemin parcouru, moi, ver sous le plancher,

Quel amour et quelle pitié me saisissent le cœur pour les frères soleils dans la nuit !

Et pourtant, eux aussi ils sont de ce monde-ci, d’ici. Oh !

Permets que je regarde enfin plus loin, bien plus loin — en moi-même.

Ah ! je le sais bien, toi, toi tu sais ce qu’il y a là, et comment n’aurais-je pas honte ?

D’abord, une ferveur de réunir les Séparés,

Une angoisse de marier le feu et l’eau,

Plus tard, l’immense adieu de l’Époux à l’Épouse,

Une division des deux belles clartés

Du jour et de la nuit… Certes, c’est peu ; mais, réponds-moi,

Qui, parmi tes enfants, qui donc, depuis l’instant

Où tu te reconnus dans les traits d’une vierge

Comme en un sommeil d’eau, a jamais eu besoin

Comme moi, pour lire en son esprit, de la lumière de la femme ?

Qui, ô heureux ! qui veux que l’on pardonne, qui ?

Et cela de toi, mauvais, qui ne venait pas, ma colère

L’a pourchassé avec les maigres chiens courants

Du gémissement de luxure. Mais,

Là encore, une pitié de père, ô Père !

Se déchirant en moi, obscure s’abattait