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Plus robustes que nous sans doute, nos pères n’avaient pas encore constaté les tristes conséquences de l’alcoolisme. A l’exemple de Béranger et de Désaugiers qui célébraient le doux jus de la treille et l’ivresse enchanteresse, mon père avait composé quelques chansons à boire, à l’occasion des banquets patriotiques. Cette poésie-là nous semble aujourd’hui bien démodée. On fera grâce pourtant à quelques couplets écrits en l’honneur du docteur Pollet :


AU DOCTEUR POLLET

Chantons la science sublime
D'un docteur joyeux et dispos ;
Par la vertu de son régime
On peut guérir de tous les maux.
Avec lui, point de boisson fade :
Du vin, du rhum, de la liqueur !
Ah, qu'il est bon d'être malade
Lorsqu'on a Pollet pour docteur !

Sans crainte cassez-vous la tête,
Les reins, les jambes et les bras :
Sancho lui légua la recette
De son baume de Fier-à-bras.
Fussiez-vous en capilotade,
D'un souffle, il vous rend la vigueur.
Ah, qu'il est bon d'être malade
Quand on a Pollet pour docteur.

Comme il a guéri de la rage
Une dévote du quartier,
Les bonnes âmes du village
Disent tout bas qu'il est sorcier.
Mais moi je dis : Le camarade
N'est qu'un savant de belle humeur,
Ah, qu'il est bon d'être malade
Quand on a Pollet pour docteur.


4

Les joyeuses fêtes du Bérouze ne nous faisaient pas oublier notre cher Fernand, le pauvre interne, qui aurait été si heureux de participer à nos plaisirs. Sa mère lui écrivait : Samoêns, mardi (25 novembre 53)

Je t’envoie la Grammaire de Lhomond et les Fables de Fénelon, accompagnées de pommes (que tu désirais vivement, à ce qu’il parait), de noix et d’un pot de beurre. J’aurais voulu que ton père te vît avec ton uniforme de toute beauté pour savoir s’il t’allait bien. Ton père a vu tous tes professeurs qui ont été fort aimables et bien disposés pour toi. Domine donc, mon cher enfant, ton penchant à la légèreté. Le plaisir que procure une espièglerie est bientôt passé et ne compense point l’ennui d’une punition. Outre cela, on se fait une mauvaise réputation, et le maître est ensuite tenté de vous attribuer toutes les sottises qui se commettent. C’est à toi de t’en faire une bonne dès le commencement de l’année. Puis c’est ainsi que l’on apprend à devenir un homme, en s’habituant à dominer son caractère par sa volonté. La neige couvre déjà Criou et descend jusqu’à Verclan... Adieu, mon cher enfant, je t’embrasse un million de fois. L,

Alix à Fernand.

Je vais chez les sœurs ; elles ne sont pas trop sévères. M. l’abbé Bétrix qui- nous fait le catéchisme, est bête à manger du foin. L’autre jour, il demandait qui est-ce qui enseignerait si les rouges étaient prêtres et une foule d autres bêtises. Il prend du tabac toutes les cinq minutes. Pour se moucher, il met un coin de son mouchoir dans sa bouche, et, chaque fois qu’il se mouche, il dit : Ma couette !... Adieu, ta sœur très bigote,

Alix.

Mon premier essai littéraire eut pour titre : Lorsque j’aurai vingt ans. Les enfants sont de petits singes, ils imitent tout ce qu’ils voient faire à leurs parents, et rêvent de les surpasser. J’avais donc inventé la photographie en couleurs et je demandais en mariage une belle jeune fille