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•1 l’égalité des hommes devant la douleur. Au retour, sa conversation était un feu roulant d’anecdotes

> voie ~ drôlatiques, d’histoires cocasses, qu’il improvisait avec une imagination inépuisable, et qu’il débitait

avec une verve burlesque. n :n : nous Dr w.. Tv Ic< paS’gré r<»n. hde< :c^‘ :en gJ- a J BeriŒ J.’ J ■■ Malgré les tristesses et les soucis de l’exil, mes parents subissaient, eux aussi, l’influence de cette gaîté. Mon père, doué d’une vive sensibilité, se mettait presque à l’unisson de l’aimable docteur. C’est à cette époque qu’il composa une joyeuse chanson intitulée :


LA VIE EX ROSE

Ennemi de noire repos,
Plus d'un ennuyeux moraliste
Perd son temps à dresser la liste
De nos travers et de nos maux.
Foin du penseur morose
Qui nous peint tout en noir !
Pour moi j'aime mieux voir
La vie en rose.

Un vieux garçon sur le retour,
Par Vénus mis en pénitence,
Dit : Croyez mon expérience,
Ménagez les feux de l'amour !
Foin du vieillard morose !
Aimons matin et soir !
La femme nous fait voir
La vie en rose.

J'entre au salon et j'aperçois
Un portrait, laid comme nature,
On s'extasie outre mesure
Devant le vrai nez du bourgeois.
Réalisme morose
Au diable ton miroir !
L'idéal nous fait voir
La vie en rose.

Un médecin, docteur savant,
Au nom du fameux Esculape,
Nous défend le jus de la grappe,
Dont, en cachette, il boit souvent.
Foin du docteur morose.
Qu'importe son savoir !
Buvons, le vin fait voir
La vie en rose.

Si vous voulez qu'au paradis,
Dit un curé, monte votre âme,
Fuyez la science et la femme
Qui perdirent l'homme jadis !
Foin du cafard morose !
Laissons-lui l'éteignoir,
Qui l'empêche de voir
La vie en rose.


L’hiver était venu ; l’aspect de la vallée est en cette saison d’un caractère étrange et é saisissant. On se croirait transporté dans le voisinage du pôle. Le manteau de neige qui recouvre

terre a souvent plus de deux mètres d’épaisseur et, sur cette blancheur immaculée, le soleil brille,

.. .. sans parvenir à la fondre, à cause des gelées de la nuit. C’est par un étroit sentier de neige tassée qu’Alix et moi nous nous rendions chaque matin b < a l’école ; elle chez les sœurs, moi chez le jeune vicaire qui essayait d’inculquer quelques notions de • grammaire à une douzaine de petits paysans peu dégourdis. Il avait fallu nous séparer de mon frère Fernand, envoyé comme interne au Collège Royal de Bonneville. g ; Un brave maçon, qui jouait à Samoens le rôle d’architecte, me donna quelques leçons de dessin linéaire. Les habitants de la vallée du Giffre sont presque tous tailleurs de pierres. Chaque (1) La grande vogue de Courbet et de Zola commençait. Les Romantiques de 1830, novateurs téméraires dans leur temps n acceptaient pas les innovations de la jeune école, qui s’affirmait comme une réaction contre la fantaisie idéaliste. 1

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