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souffre, gémit, et pardonne ? Si je ne m’abstenais de citations, je les puiserais sans nombre dans cet admirable dernier livre, ordonné si parfaitement, et le seul que l’auteur ait qualifié du nom d'Élégies. Faut-il que les derniers chants des Amours soient presque toujours des accents de regret ! Fidèle à ses douloureux souvenirs, celui qui fut l’amant d’Éléonore revient souvent à elle, dans les sujets qui s’en éloignent le plus, et ses retours sur le passé retracent avec un sentiment profond ce céleste enchantement des premières amours que le temps et l’âge ne peuvent effacer. J’ai déjà beaucoup loué Parny; les sujets d’éloges ne sont pourtant pas épuisés. Il me reste à lui tenir compte de la correction soutenue, de la pureté constante du style; de la justesse, de la propriété des termes; du respect scrupuleux pour la langue; et surtout de l’art qui préside à la composition de ses moindres tableaux, art difficile qui redouble l’intérêt des détails et leur prête un nouvel éclat en les plaçant dans un jour plus favorable. Ces qualités, jointes à celles que j’ai déjà fait valoir, ont mérité à l’auteur vivant le beau nom de classique, décerné à si peu d’écrivains et seulement après leur mort. A l’exemple des grands modèles, il ne produisait rien sans l’avoir longtemps médité. Il avait étudié profondément les difficultés et les ressources de son art. Une sage économie augmente encore ses richesses. Loin de prodiguer les beautés hors de leur place il les distribue avec goût avec réserve. Et toutefois le savant procédé du poète n’ôte rien à la grâce à la mollesse au naturel il a toujours l’air de s’abandonner; et nulle image ne lui convient mieux que celle où La Fontaine représente l’Aurore

Laissant tomber des fleurs et ne les semant pas.


Je m’arrête, pour qu’un simple examen ne ressemble pas