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qui semblait particulièrement la sienne ! Quelle mélancolie, quelle solitude il exprime en ce seul vers :

Dans l’Orient désert quel devint mon ennui !


Toute la résignation d’un amour sincère et malheureux, tout son désintéressement furent-ils jamais mieux retracés que dans le rôle de Titus, qui, depuis cinq ans, brûle pour Bérénice :

Sans oser rien prétendre

Qu’un instant à la voir et le reste à l’entendre.

Qui peut retenir ses larmes, en répétant avec les filles d’Israël :

O rives du Jourdain ! O champs aimés des deux !

Sacrés monts ! fertiles vallées,

Par cent miracles signalées !

Du doux pays de nos aïeux

Serons-nous toujours exilées ?

La souplesse naturelle aux grands talents, et son exquise organisation poétique, eussent élevé Racine au-dessus même de Tibulle. Supérieur dans la tragédie, il s’est encore distingué, comme sans y songer, dans quatre genres[1] de diverse nature, dont un seul lui eût fait un nom.

Parmi les pièces qui, pour le ton et le sujet, semblent appartenir à l’Élégie, il faut citer l’ode de J.-B. Rousseau[2], imitée du cantique d’Ézéchiel : J’ai vu mes tristes journées; les vers de Chaulieu sur Fontenay; les stances délicieuses de Voltaire : Si vous voulez que j’aime encore; ses adieux aux Mânes de Génouville; les strophes si connues de cette ode, qui fut en quelque sorte le chant de mort

  1. La poésie lyrique, la comédie, l’épigramme, la prose polémique.
  2. wikisource, poète et dramaturge français (1670 — 1741).