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Depuis l’antiquité jusqu’aux temps modernes, pas une femme ne se présente dans la carrière élégiaque; et pour en trouver une, il ne faudrait pas moins qu’une foi parfaite aux productions moins autographes qu’hypothétiques de Clotilde de Surville. Ce qu’il y a d’incontestable, c’est la grâce spirituelle et naïve de la plupart de ces pièces, écrites en langage demi-vieux, remarquables d’ailleurs par des détails, des imitations et des rimes de fraîche date. Madame Deshoulières nous a donné, sous le nom d’idylle, une Élégie charmante :

Dans ces prés fleuris

Qu’arrose la Seine,

Cherchez qui vous mène,

Mes chères brebis, etc.

Cette pièce me paraît fort au-dessus de ses autres allégories, où elle abuse constamment de l’antithèse. Ici, tout est simple, naturel et touchant. Le rhythme lui-même est celui de la douleur qui ne peut soutenir longtemps sa voix, et qui l’abandonne.

De nos jours, quelques auteurs du sexe des Muses ont fait une heureuse exception à la loi commune. Elles avaient à triompher de plus d’un obstacle. Le penchant, naturel aux femmes, d’exprimer les moindres circonstances, parce que toutes ont du prix pour elles, pouvait, dans leurs ouvrages, détruire l’effet de l’ensemble par la multiplicité des détails. Une difficulté plus grande se présente à celles qui, cédant au besoin de consacrer leurs souvenirs, rappellent ce qu’elles ont inspiré, ce qu’elles ont senti; sujets délicieux, sans doute, mais plus bornés pour elles que pour nous. C’est une privation qui leur est imposée par leurs qualités mêmes. Cette pudeur, la première de leurs grâces, les condamne à ne célébrer de