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par lui demander pardon. Ces bizarreries, ces inégalités peignent l’amour tel qu’il est, et se prêtent surtout aux mouvements animés de la poésie. C’est l’unique avantage qui balance l’infériorité générale de Properce à l’égard de Tibulle. Il est un âge où Properce paraît plus poète que son émule. Pourquoi ? parce que l’on n’est frappé que des efforts qu’il faut pour l’être; parce que son fastidieux étalage d’érudition mythologique semble de la poésie lorsqu’il n’est, à vrai dire, que de l’emphase; parce qu’enfin l’inexpérience préfère à ce qui touche le but ce qui s’efforce de le dépasser. Toujours des comparaisons avec les amours de l’antiquité , comme si des amants pouvaient se comparer à d’autres qu’à eux-mêmes ; toujours des dieux entre Cynthie et Properce, comme s’il ne devait pas voir tous ses dieux en elle seule ! Il avait bien senti le mérite particulier de Tibulle , ce froid Boileau (puisqu’on a osé l’appeler ainsi) quand il disait avec tant de justesse et de grâce,

Qu’Amour dictait les vers que soupirait Tibulle.

Il reste à Properce des qualités précieuses, le feu, le mouvement, l’énergie. Si la multiplicité des digressions n’ajoutait trop souvent à la monotonie qu’il veut rompre, si le goût présidait plus fréquemment au choix de ses détails, si surtout le poète se cachait mieux, les amateurs de parallèles se verraient condamnés à de longues incertitudes entre les deux rivaux, et la palme resterait longtemps suspendue. Mais n’est-il donc qu’une seule palme ? n’est-il qu’une sorte de talent ? Félicitons-nous de ce que la manière de Tibulle ne soit pas celle de Properce. Nous possédons deux plaisirs pour un, deux richesses pour une. Properce a composé plus de quatre-vingts Élégies, et ne célèbre qu’une seule beauté. Tibulle n’a laissé que vingt-quatre Élégies proprement dites, puisque le qua-