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moins vrai que le retour continuel du distique finit à la longue par fatiguer excessivement l’oreille. La nécessité de renfermer un sens complet en si peu d’espace, ajoute encore à la monotonie. Ce mètre, inégal quoique régulier, fut cependant appliqué dans la suite à de longs ouvrages d’une autre nature. On cite un poète nommé Pigrès , qui s’était flatté d’embellir Homère en intercalant après chaque hexamètre de l’Iliade un petit pentamètre de sa façon. Il était possible d’obtenir le ridicule à moins de frais.

Plus heureux, nous ne sommes asservis à aucune mesure déterminée. L’oreille et le goût nous avertissent du mètre et du rhythme[1] commandés par le sujet. Que notre Élégie soit en grands ou en petits vers, qu’on la divise en stances, qu’on la coupe par des refrains, elle n’en est que plus variée. Ce sont des avantages qu’elle possède parmi nous à défaut de quelques autres qu’on lui a ravis et qu’il est juste de lui restituer.

Pourquoi les Romains, imitateurs trop timides, n’ont-ils jamais essayé de la reproduire sous toutes ses formes ? L’unité du genre leur eût-elle semblé préférable à sa diversité ? Non, sans doute; les seules bucoliques de Virgile admettent, comme celles de Théocrite, plusieurs tons et plusieurs sujets. Elégiaque dans Alexis, dans Daphnis, dans Gallus, épique dans Pollion et dans Silène, pastoral dans tout le reste, il s’est affranchi des lois symétriques inventées à froid par la minutieuse médiocrité. Ne suffit-il pas que le sujet se rattache au genre par le ton général et par le choix des principales circonstances ?

C’est dans ce choix qu’excellait Tibulle, Tibulle appelé par Horace le juge de ses écrits. Quelle vérité ! quel naturel ! Comme il aime sincèrement la vie champêtre ! comme il la fait aimer ! Ses descriptions de la campagne

  1. Ancienne orthographe de rythme.