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Œuvres de Millevoye.

Les jours ont fui : le héros, sous ses pas,
A par degrés vu décroître la cime
Des hauts glaciers, confins de deux climats ;
Il n’entend plus que le sombre fracas
Des rocs neigeux s’écroulant dans l’abîme.
Ou que les cris de ces oiseaux errants,
Qui, de leur aile, effleurent les torrents.
Mais voici l’heure où la nuit solitaire
Vient de ces monts obscurcir la pâleur.
Et,. confondant et les cieux et la terre,
Ote aux objets la forme et la couleur.
Charles suspend le périlleux voyage :
Ses compagnons en foule, à ses côtés.
Vont reposer, et sur le lit sauvage.
D’un nouveau jour attendront les clartés.
Comme eux, lui-même étendu sur la roche,
Du doux sommeil il attend les pavots…
Une inconnue, au même instant, s’approche.
Vers lui s’incline et lui parle en ces mots :
« Pourquoi veiller sur la cime escarpée ?
Viens, suis mes pas ; sous le glacier désert.
Au voyageur un asile est ouvert. »
Charles la suit, seul avec son épée.
Ils s’avançaient ; bientôt, au devant d’eux
S’offre le seuil d’une caverne antique,
Noir habitacle et des serpents hideux,
Et de l’orfraie à la voix fatidique,
Charles pourtant, le front calme et serein,
Suivait les pas de la belle étrangèere.
Elle s’arrête. Une porte d’airain,
Qu par trois fois touche sa main légère.
S’ouvre ; et voilà qu’un jardin merveilleux,
Riant séjour sorti du sein de l’ombre,
Sur le plateau de ces monts sourcilleux,
A déployé ses prestiges sans nombre.
Là, le printemps rit au sein des hivers…
Elle triomphe… Espérance trompée !
Charles soudain fait luire son épée.
Frappe le prisme, et le prisme en éclats