Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.
Millevoye, malgré le succès de sa pièce couronnée, motivait
en ces termes la transformation qu’il lui fit subir :
« Quoique plusieurs personnes aient paru préférer cette version,
je me suis reproché, en l’examinant, de n’avoir amené
qu’un simple pâtre au tombeau de l’infortuné jeune homme,
qui, près de sa dernière heure, songeait d’avance au deuil
de sa mère. J’ai cru devoir restituer au sujet une circonstance
trop naturelle pour qu’il fût permis de la supprimer. »
Voici une seconde version, avec des variantes, assez
heureuses, qui nous laissent dans l’embarras du choix :
De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre ;
Et dans le vallon solitaire
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune homme, seul, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans :
« Bois que j’aime, adieu… Je succombe !
Ton deuil m’avertit de mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je vois un présage de mort.
Fatal oracle d’Épidaure,
Tu m’as dit : « Les feuilles des bois
« A tes yeux jauniront encore,
« Et c’est pour la dernière fois.
« La nuit du trépas t’environne ;
« Plus pâle qu’une fleur d’automne,
« Tu t’inclines vers le tombeau.
« Ta jeunesse sera flétrie,
« Avant l’herbe de la prairie,
« Avant le pampre du coteau.