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pas chose à proposer aux hommes que de se montrer tels qu’ils sont, que d’apparaître tout entiers.

Si la justice, notre seule fin avouable, était chose multiple et variée, nous aurions chance d’y parvenir par le seul fait d’une dilatation générale de notre, être, d’une expansion complète de tout ce que nous sommes : mais il y a dans notre loi morale une véritable unité, à ce point que quelques préceptes issus du même fond, qu’un seul peut-être, suffisent à l’exprimer tout entière.

Si notre nature était une en ce sens qu’elle fût purement spirituelle, on pourrait à ce titre encore lui rendre la main et la livrer à tout son essor : l’égarement n’en serait pas à craindre : l’unité de sujet que nous venons de supposer, irait droit à l’unité d’objet que nous avons reconnue. Mais nous sommes corps et âme, égoïsme et sympathie, intelligence et instinct, touchant par tout un côté aux espèces créées que nous laissons derrière nous…

Quand un être auquel un seul but est permis, porte en lui des impulsions si différentes, si contradictoires, n’est-il pas bien hasardeux de le convier au développement de toute sa nature dans sa plus riche diversité ? Pour ma part, je ne vois là nulle appropriation des moyens à l’objet, nulle harmonie de rapports. Encore un peu, et vous direz comme Fourier, que les passions viennent de Dieu et que le devoir vient de l’homme. C’est tout au moins